A mon tour,après nicolas de vous faire copie d'un courrier adressé a un de ces messieurs qui nous gouvernent :
Monsieur le président,
En juin dernier, vous avez bouleversé ma vie en prononçant une inéligibilité qui met à néant, pour un retard de quelques heures dans le dépôt d’un compte de campagne par ailleurs irréprochable, la volonté de 65% des électeurs exprimée dès le premier tour.
Vous avez prononcé cette inéligibilité alors que mon élection en qualité de conseiller général de l’Essonne n’était contestée par personne et que ma bonne foi (qui, en vertu du code électoral, aurait dû m’exonérer) n’était pas en cause.
Rendue dans la plus grande discrétion, votre décision et les conclusions censées l’expliciter ont laissé mes arguments sans réponse.
Ils ne vous exhortaient pourtant qu’à accomplir intelligemment votre office : appliquer la loi en reconnaissant ma bonne foi et tenir compte de quelques grands principes : proportionnalité des sanctions aux fautes, respect du suffrage universel, égard minimal pour la continuité des services publics locaux, pour la sérénité de la vie démocratique locale, accessoirement pour les deniers publics auxquels on aurait pu faire l’économie d’une élection partielle.
Vous avez préféré, par esprit de routine, de confort, par peur du quand dira-t-on peut-être ? persévérer dans une jurisprudence que vous savez absurde, non dictée par la loi (c’est l’inverse) et contraire à nos grands principes.
Cet esprit de routine et de confort qui fait que le droit s’éloigne de la justice.
Cet esprit de routine et de confort qui explique tant de compromissions de notre histoire judiciaire.
Cet esprit de routine et de confort qui, au moment où tant de nos concitoyens, tant d’élus en particulier, s’interrogent sur les complications de la justice française, fait mentir l’image d’un juge administratif gardien du bon sens et de l’équité, d’un juge électoral réaliste, d’un Conseil d’Etat faisant prévaloir l’intérêt général sur les arguties juridiques et sur les raisonnements mécaniques.
L’élection partielle, consécutive a votre décision, vient de statuer en appel : mon fils de 28 ans, sans expérience politique, a été élu avec plus 56% des suffrages, malgré la présence d’un sénateur et du maire de la plus grosse commune candidats dans cette élection.
Je vous demande au moins de mesurer ce que cela signifie, d’imaginer, sans le dédaigner, le regard que les citoyens portent sur les décisions de justice quand elles leur semblent disproportionnées. Quand ils ont le sentiment qu’on leur a « volé leur vote ». Ce n’est pas seulement la crédibilité du juge, c’est celle de l’ensemble de nos institutions qui est ainsi remise en cause.
A l’issue du dépouillement, quelqu’un s’est écrié « justice est rendue ». Les électeurs de mon canton, pas seulement les miens, ont eu la sensation que, sur les trébuchets du juge électoral, la volonté des électeurs avait un poids bien faible, que bien peu de cas était fait, en définitive, de la démocratie.
Au fond de moi, je ne peux me retenir de penser qu’ils ont en partie raison : votre décision, car c’en est une, car vous pouviez faire autrement, est un déni de démocratie.
Les dérives de la jurisprudence antérieure n’excusent rien. Une jurisprudence stupide et inique, on doit avoir le courage, on doit prendre la peine d’en changer
En rudoyant le suffrage universel, puis en exposant la justice au désaveu des gens, votre abstention a contribué à rendre notre Etat de droit un peu plus illisible.
Christian Schoettl,
Maire de Janvry
Ancien conseiller général de l’ESSONNE