Le blog de Christian SCHOETTL

il y a 52 ans, après une longue route en 2CV ,j'arrivais avec mes copains du haut de mes 17 ans sur la place mythique de Marrakech 

c'est très loin de ce qui existe aujourd'hui ,avec nos voitures poussiéreuses nous nous sommes garés devant la terrasse du café de france pour les garder sous les yeux  (ceux qui connaissent ,comprendront) ,c'est juste impensable aujourdhui 

ce matin je me suis rendu a la même place (le mobilier a changé) ,

assis ,devant un café ,budget très limité ,nous découvrions ce lieux incroyable qui ,a l'époque ,était encore plus "typique" 

cela fait plus de deux semaines que nous avions quitté janvry ,nos voitures crachent leurs poumons au delà de 80KM/h ,c'est dire que la route est longue ,a ce titre mon souvenir routier le plus rude est la .... traversée des landes ,sans doute parce que nous avons abordé cette interminable ligne droite de nuit et qu'a la vitesse pointe que nous atteignions, cela n'en finissait pas 

on a campé ,dormi ,a peu pres n'importe où ,

mes trois compagnons de route s'appelaient philippe gallut,caroline fodor,et elisabeth tabourin (je crois) dite nonoche ,le plus vieux d'entre nous avait 19 ans ,moi 17 ,nous nous sommes perdus de vue ,la vie nous a emporté et je le regrette 

rétrospectivement  ,nous avons évité les embuches de l'époque  :

les "enfumeurs" sur la route : on nous invite a un thé a la menthe sous la tente typique et vous vous réveillez a poil en pleine nature avec définitivement plus rien ni même vos vehicules

,les marchands de haschichs sur le bord de la route qui vendent aux gogos qui veulent tenter l'aventure une plaque et qui préviennent les gendarmes situés a 1 km plus loin ,a ce régime la même plaque rapporte un paquet d'argent aux vendeurs et aux gendarmes ,car la même  parcourt bien des fois ce trajet d'1KM

si j'ai adoré fes ,je n'ai jamais aimé meknes sans doute parce qu'entrainés sous prétexte de visite dans une rue perdue ,nous avons été face a face avec des mecs armés de couteaux et un peu violents ,on s'en est sortis, en conservant nos sous 

les sous ,c'était une époque où les portables et les cartes bleues étaient de l'ordre de la science fiction, alors les sous pour le voyage ,pour l'essence pour manger ,pour tout, on l' a sur nous, et il n'y en a pas trop  !

ces voyages ont constitué mon adn ,ils m'ont appris a anticiper ,a m'autonomiser, a réagir a quoiqu'il arrive ,a allier sécurité de base et aventure, a aborder les épreuves ,a se confronter a soi mêle 

ce voyage a suivi l'année d'avant, un tour du Mexique ,et a été suivi par une folie en camionnette autour de la petite méditerranée et puis la chine et le viet nam deux ans plus tard, a l'époque où cela ne se faisait pas  

retour sur la terrasse du café  de france,il ya 52 ans ,un jeune nous aborde pour nous demander si nous savons où dormir ... cela nous ait déja arrivé et on réagit au feeling ..

il nous propose de venir dormir chez lui dans la vallée de l'ourika ... nous voilà partis ,en 2CV c'est loin ,la nuit tombe ,il fait très noir et l'on s'enfonce dans l'inconnu,

on prend une piste  et l'on finit par arriver devant un village troglodyte a flanc de falaise ,seuls nos phares éclairent un monde fou qui entoure nos voitures ,surtout des gosses,

on prend nos affaires, et l'on suit notre guide qui nous entraine dans les entrailles de la terre ,moi je suis de moins en moins fier ,on grimpe des marches taillées dans la roche,il ouvre des portes fermées par des verrous en bois,

seules, les torches électriques éclairent ce boyau ,on grimpe, cela se  referme derrière nous ,

dans mon sac a dos, j'ai mon coupe coupe mexicain et je repère où il est ,après cette montée interminable, on se retrouve sur terrasse sublime dominant toute la vallée ,avec les lumières de  marrakech très  loin ,une voute étoilée incroyable et 'on nous sert un des meilleurs couscous que je n'ai jamais mangé ,on nous attribue deux chambres avec des nattes pour la nuit et je m'en veux ,si fort d'avoir douté de l'hospitalité marocaine 

allez une dernière anecdote, dont ce voyage a été riche :

voilà des semaines que nous mangeons a l'économie, dans ce que les snobs appellent ,désormais, le street Food

souvent avec les doigts parce qu'a l'époque ,dans ces lieux, la notion de couverts laissait dubitatif, bref le régime local finissait par lasser ,

je crois que c'est caroline qui était déjà venue qui nous dit

"il y a un restaurant Français dans la vallée de l'ourika ,on se fait une flamberie ?"....

on y va comme un jour de fête, on nous y sert une assiette de salade composée : tomates, betteraves, concombres, et carottes râpées ... toute ma vie je me souviendrais du gout de cette vinaigrette et a chaque fois que je mange des carottes rapées ,je pense a cette sensation folle  dans la vallée de l'ourika 

en terminant ce post j'ai une pensée pour mes parents pour la stupéfiante confiance dont ils me témoignaient a me laisser partir pendant des semaines sans nouvelles, c'est cette confiance sans faille et réelle qui m'a évité de faire certaines conneries ,car je me sentais obligé d'être digne de cette confiance et je ne pouvais leur faire "ca" et depuis 68 ans je suis piégé ;il faut que je sois digne d'eux