Une de nos conseilléres municipales ,m'interrogeant sur ceci ou cela de l'histoire de notre village m'a fait réaliser combien la mémoire était volatile et combien nous sommes de passage
je mesure aujourdhui combien j'ai oublié d'interroger mes parents sur notre histoire familiale et combien ceci a disparu a jamais
je me suis donc amusé a coucher sur le papier ces souvenirs qui me remontent ,je vais le découper en tranches inégales suivant la consistance et les publier au gré du temps
Mon village A force de me sentir jeune, je réalise que je porte désormais une partie de la mémoire de mon village, de ces anecdotes qui n’ont d’intérêt que pour une poignée mais qu’il serait dommage de perdre définitivement
Alors, rien n’est ordonné, mais je vais écrire comme cela me vient, trois lignes ou un chapitre suivant la mémoire
Comme je suis arrivé très môme ici, la seule grande activité que nous avions était de pêcher les goujons dans les douves du château je réalise avec le temps combien ces douves ont été centrales pendant toute une période, d’abord parce qu’il y avait des bistrots partout ,trois sur la place ,un en face de la mairie ,deux a mulleron et un a la brosse….
en fait la plupart des bistrots étaient stratégiquement installés près des fermes qui employaient des journaliers, jusqu’à 500 par jours a la belle saison des petits pois ,
main d’œuvre constituée essentiellement de clochards ramassés a paris par une société qui les ramenait a la demande des agriculteurs dans le village
Journalier, cela veut dire payé chaque jour, parfois a la tache effectuée, j’ai moi-même été payé au sac de pommes de terre ramassé, cela veut dire qu’a peine la paye touchée, ils filaient au bistrot pour étancher leur soif,
En 1955 le maire de la commune reçut une pétition des habitants n’en pouvant plus des corps gisants sur les places de la commune, du « stupre » et des vomis et excréments qui souillaient le village
Le château d’eau ,désormais rasé, rue du grand cèdre servait de prison municipale et de cellule de dégrisement
je me souviens de mr boussuge, garde champêtre avec lequel, j’ai quelques souvenirs qui perdurent et dont je parlerai plus tard, un double souvenir de ses tenues,de toile rugueuse grise et de velours marron côtelé, mais aussi de sa casquette de garde champêtre
Une époque où a la « grande ferme », comme a celle de la brosse, notamment, on vendait le lait sorti tout droit du pie des vaches le soir a l’heure de la traite chacun arrivait avec son bidon ,pot a lait en aluminium, a l’entrée de l’étable, il y avait ce mélange de parfums, certains diraient d’odeurs, du lait chaud, capiteux, presque fumant et celle du fumier, de l’odeur des bêtes, contraste étonnant entre ce blanc immaculé et une étable au sol par nature souillé ,pas de traite électrique dans ma mémoire, ni chez les larue ni chez les rousseau a la brosse
L’époque aussi où la forge de monsieur joseph et surtout de son père battait son plein, mais voyait arriver la mécanisation celui qui remonte la rue du marchais en observant bien, découvrira des anneaux scellés dans les murs des façades des maisons qui remontent ainsi jusqu’ a la forge
car, en fait, le lundi matin ,sagement alignés le long de la rue et venues des fermes se trouvaient les bêtes qui avaient besoin d’un ferrage, ma jument est sans doute le dernier cheval que mr joseph a jamais ferré, dieu s’il avait une dextérité folle pour travailler le fer, mais pour le ferrage il avait un peu perdu la main ! et avait mis a ma petite jument des fers de cheval de labour comme si on avait chaussé une jeune fille avec des bottes de taille 48 !
La rue du marchais, le lundi matin devenait donc une sorte de foire de maquignons avec les bêtes attachées aux anneaux tout le long de la rue montante et les vachers et garçons de ferme a discuter en attendant leur tour
en haut on entendait battre le fer
A l’Age où je pêchais le goujon ,les tracteurs avaient pris le pas ,la rue avaient perdu ce rendez vous quotidien