a quelques jours d'être recus au ministère de l'agriculture pour parler sérieusement de camelidés dans le cadre francais ,je me permets de revenir sur ce deuxième salon et sur cette adorable veterinaire qui a voulu se glisser parmi nous pendant la manifestation
c'est le bonheur de ces instants et des rencontres inattendues ,caroline driot est vétérinaire et dotée d'une belle plume ,elle souhaite partager a travers le journalisme partager sa passion pour les "bossus"
Veille de salon à Janvry
Quarante-cinq minutes en apnée. Pour une non initiée à la conduite parisienne, voilà à quoi s’apparente le trajet en voiture, entre la gare de Lyon et le petit village de Janvry dans l’Essonne. Tunnel, périphérique, scooters suicidaires. Sortie « Les Ullis », direction Marcoussis. Petite pensée pour Antoine Dupont et ses coéquipiers, alors que les zones commerciales laissent la place aux champs et à la forêt.
Au panneau Janvry la respiration reprend son cours. La route qui traverse le village est bordée de maisons en pierre, entourées de fleurs et d’arbres majestueux. Elle longe la place de l’église, en pleine effervescence en ce vendredi après-midi. Terminus à côté de ce qui deviendra l’aire de démonstration des vedettes du weekend. Dans un enclos à 200 mètres environ, un mouvement de poils noirs, bruns et gris attire le regard. Longs cous, oreilles mobiles : les lamas et alpagas sont déjà dans la place !
Rendez-vous incontournable
En ce weekend de mi-septembre, Janvry, 600 habitants, accueille la 2ème édition du salon international du dromadaire et des camélidés. Un rendez-vous incontournable pour des passionnés venus du monde entier, et repoussé à deux reprises en raison de la crise sanitaire. A l’origine de cette folie : Christian Schoettl, maire de la commune, et une équipe de volontaires acharnés et déterminés à faire de l’événement une réussite.
Le voilà d’ailleurs place de l’église, où se concentre l’animation. Barbe blanche, casquette sur la tête, il porte le gilet bleu sans manche distinctif des bénévoles, floqué de la mention « BOSSeur ». Difficile de trouver plus approprié ! Grand sourire, poignée de main chaleureuse, présentations. « Tu connais Jean-Pierre ? C’est un confrère ». Enchantée, re-poignée de main. Le Dr Coquelet, casquette et barbe blanche lui aussi, a été désigné vétérinaire sanitaire pour la durée de l’évènement : « Je travaille en clientèle canine, orienté médecines alternatives et biothérapies. Rien à voir avec les camélidés donc, mais ce weekend je suis surtout là pour les aspects administratifs ».
Inspection vétérinaire
Justement l’administration, du moins ses représentantes, viennent d’arriver à Janvry. Vanessa Cornu et Marta Lechenault, vétérinaires, travaillent pour la Direction départementale de la protection des populations de l’Essonne. Christian Shoettl et les deux fonctionnaires se connaissent : entre eux pas de malaise, l’ambiance est détendue. « Nous venons contrôler les conditions d’hébergement des animaux, leurs identifications et documents officiels d’accompagnement », explique le Dr Lechenault. Les camélidés doivent en effet être accompagnés d’un certificat de bonne santé, attestant de l’absence de symptômes évocateurs de maladie ou contre-indiquant le transport.
Les participants au salon n’auront de toute façon pas eu à traverser l’Atlantique ou la Méditerranée. Les plus lointains auront fait quatre heures de camion, depuis la Camèlerie dans le Nord. Quant aux autres, ils vivent sur place à Janvry. « C’est trop compliqué de faire venir des dromadaires de l’étranger » regrette le maire. Déjà pour la 1ère édition du salon en 2019, la DDPP a frôlé la crise de nerfs à la simple évocation du mot dromadaire ». C’est que la législation européenne régit strictement l’importation d’animaux issus de pays tiers. Pour les dromadaires, la menace est liée à une maladie, le Surra ou trypanosomiase, absente sur le vieux continent mais endémique en Afrique. Due à un parasite sanguin, Trypanosoma evansi, elle conduit à une mort rapide, ou un dépérissement chronique. Le plus grand risque réside dans sa possibilité de transmission aux autres ruminants (bovins, moutons…) via des piqures d’insectes. Au final, l’administration a tranché : pas question de risquer l’introduction d’un animal porteur.
Quarantaine
« Ça reste possible d’importer des dromadaires en France », sourit le Dr Cornu. Un règlement saugrenu, dont l’administration a le secret, autorise en effet l’importation de dromadaires issus des pays tiers, à une condition : effectuer une quarantaine de 60 jours, dans des locaux situés… à St Pierre et Miquelon. « J’ai dû lire et relire ce paragraphe, pour être sûre d’avoir bien compris, s’exclame la vétérinaire. J’ai même appelé la DGAL au ministère de l’Agriculture pour m’assurer qu’il n’y avait pas d’erreur, mais ils m’ont certifié que c’était bien ça ! ». Pour Christian Shoettl, cette disposition aurait été rendue caduque par un nouveau texte, autorisant l’importation de dromadaires originaires du Groenland, d’Islande ou du Chili…
Après ce tour d’horizon de l’imagination de nos fonctionnaires, retour à l’inspection vétérinaire. Dans les douves enherbées du château de Janvry, trois alpagas et deux chameaux ruminent paisiblement. « Les animaux doivent être hébergés dans des enclos propres et suffisamment grands, avec de l’eau et de la nourriture en permanence à disposition, détaille Marta Lechenault. La sécurité des visiteurs doit être garantie par des clôtures en bon état ». Les inspectrices vérifient également l’absence de blessures ou de signes extérieurs de maladie. Même démarche devant l’enclos des lamas, à proximité de l’aire de démonstration. L’air curieux ou inquiet, les animaux observent les allers et venues des bénévoles autour d’eux. Une des femelles a eu l’oreille déchirée par un coup de dents du mâle du troupeau. Elle a été isolée dans un box, et sa plaie désinfectée. Quant au coupable, son regard furieux ne laisse transparaitre aucun remord !
Débarquement
A ce moment, un 36 tonnes rouge se gare derrière l’enclos. Les dromadaires ! Le maire se dirige vers le camion et revient peu après, suivi de trois bossus au regard placide. « Ils viennent de passer quatre heures dans un camion, ils arrivent dans un endroit qu’ils ne connaissent pas, au milieu de parfaits inconnus. Ça ne PEUT PAS les laisser indifférents, et pourtant si, ils ont l’air complètement blasés ! », s’amuse Vanessa Cornu.
Effectivement le débarquement des quinze grands camélidés se déroule dans le plus grand calme. Les animaux sont installés dans un enclos face aux lamas. A la manœuvre : Julien Job, Alban Pouard et Yann Liénard, de la Camèlerie. Situé dans le Nord, cet élevage, le plus grand de France, est le seul à avoir reçu l’agrément pour la production de lait de chamelles. Munies de lecteurs de puces électroniques, les inspectrices contrôlent l’identification des animaux. « La réglementation autorise l’identification par boucle auriculaire ou par puce électronique. Ces dernières sont plus chères, mais aussi plus sûres, dans la mesure où elles rendent le vol des animaux plus difficile. »
Inspection visuelle
Place ensuite à l’inspection visuelle des animaux. Les bosses bien remplies en témoignent : s’ils sont des modèles de sobriété, les dromadaires s’adaptent aussi à des régimes alimentaires plus copieux. Leur embonpoint n’inquiète pas les vétérinaires, plus intriguées par quelques égratignures observées sous les encolures ou sur la queue de certains. « Ces blessures sont récentes : on va contrôler le camion, pour vérifier qu’il soit adapté au transport » indique Vanessa Cornu. Seul problème : le véhicule profilé pour les mouvements de grands camélidés n’existe pas encore. Ceux-ci doivent se contenter de poids lourds dimensionnés pour les équidés. Or contrairement aux chevaux, les dromadaires voyagent couchés, et sont susceptibles de s’égratigner sur les bas flancs en bois lors du lever ou du coucher. Rien de grave toutefois, une touche de spray désinfectant, et les animaux sont laissés libres d’explorer leur hébergement provisoire.
De retour vers la place de l’église, les fonctionnaires prennent congé, tandis qu’une nouvelle délégation fait son arrivée à Janvry. Manteaux sur le dos et écharpes autour du cou pour certains, les Sudistes sont facilement reconnaissables sous ses latitudes ! Parmi eux : Cécile Magnan, vétérinaire, Coralie Lemeur, dresseuse de dromadaires, Jordan Feraud gérant d’un camping et d’un parc animalier, Jérôme Villedieu éleveur. Au-delà de l’Occitanie, des passionnés du monde entier (Maroc, Niger, Tchad, Tunisie, Iles Canaries, Etats-Unis…) convergent vers Janvry pour participer à l’ouverture du festival le lendemain.
Vortex spatio-culturel
En attendant, les invités et les bénévoles sont conviés à diner dans une ancienne grange magnifiquement restaurée. Devant la cheminée monumentale, les tables ont été dressées pour la centaine de personnes présentes.
En français, anglais et espagnol, Christian Schoettl prononce un discours, dont la traduction en arabe est assurée par une jeune fille élégante à ses côtés. « Nous tenions à vous souhaiter la bienvenue, et vous remercier d’être venus de loin pour certains. Et pour cette soirée, nous voulions aussi vous inviter au voyage et au dépaysement. » La lourde porte en bois s’ouvre alors derrière eux, sur trois hommes et une femme en costumes noirs ornés de médaillons argentés, et coiffés de sombreros. Dans leurs mains : trompette, guitare et contrebasse. Ce soir pour la musique c’est Mariachi. Et au menu : moules-frites et panna cotta au lait de chamelle.
Vortex spatio-culturel ou folie ? Repensant à l’énergie déployée pour l’organisation d’un tel évènement, Christian Schoettl confie : « ma femme est prévenue, elle a une mission : me frapper avec une batte de base-ball, si l’idée me prenait d’organiser une 3ème édition ! ».