j'ai trouvé cela ,je le partage
C’est un petit port ,loin des routes commerciales ,le temps semble s’y être arrêté, les maisons de pêcheurs alignées sur la plage ,grimpent la colline pour enserrer la anse et sa digue, tout converge vers le quai
les cordes bleues ,rouges, vertes délavées par le soleil enroulées autour des bittes d’amarrage témoignent de la chaleur l’été , des pluies battantes l’hiver, de la morsure du sel
Ici, les enfants partagent cet univers entre ces jeux mystérieux indécodables pour les adultes et l’instinct chasseur de sortir de l’eau un poisson au gout de vase ,mais aussi le bonheur de bondir d’une barque a l’autre malgré les cris des marins ,sans parler des folles courses qui s’achèvent par des cris dans un saut avant de disparaitre dans l’onde ,
sans doute la magie du quai ,mais ils deviendront marins, maçons ,boulangers ou tenanciers mais leur horizon est si large vers la mer dans ce creux de sein maternel formé par la cote que beaucoup restent pour y voir naitre leurs enfants ,comme si le vent du monde venait y souffler ses trésors et sa sagesse,sans qu’il n’y ait le moindre besoin de partir vers une quête inutile
Cet endroit est magique sans que l’on puisse discerner pourquoi, ce repli du temps tourné vers l’avenir et vers l’homme intrigue tous les « étrangers » de passage ,au point que le mot étranger lui-même est une étrangeté
au centre du quai ,quelques tables et un estaminet chargé d’histoires et de visages semblent être la source de toutes les énergies ,on y rit autant que l’on boit ou que l’on y mange ,dans les cuisines ,on s’y agite avec amour, de plantureuses et vénérables matrones concoctent des plats a réchauffer les cœurs ,tels des pélicans nourrissant leurs rejetons ,des alchimistes devant leurs fourneaux ,elles envoient des mots d’amours gustatifs ,c’est dire si les tables ,s’allongent et que les assiettes s’alignent
sur les quais les hommes et les femmes sont assis a ravauder les filets ,repeindre les coques ,ou nettoyer les cales ,quand au clocher il sonne midi ,ils se lèvent sans se concerter pour un plaisir partagé ,formant une sorte de procession heureuse vers le banquet qui les attend
Sans doute ,tout n’est pas angélique, mais ,sans doute, un peu plus humain qu’ailleurs, mais nul doute, qu’en mer, un marin qui tombe a l’eau ne sera jamais laissé seul dans la tempête ,sans doute qu’il se constitue des fratries de pêcheurs qui jettent les filets plus volontiers de concert, mais pour finir, la criée est commune
le plus curieux est qu’il n’est nul besoin d’être pêcheur ,ni même de naitre ici ,il suffit de prendre la vague avec les hommes de mer et de laisser les embruns vous saisir pour qu'un je ne sais quoi vous emporte et vous confonde parmi eux ,
un je ne sais quoi qui vous pousse sans le prévoir épaules contre épaules
A dire vrai ,les natifs sont rudes ,comme si la simplicité ne devait pas s’embarrasser de précautions, ou d’attentions ,comme si les cellules d’un même corps, d’un même muscle travaillent de concert sans égards particuliers les unes avec les autres,
au reste ,ils affrontent les tempêtes ,les creux si forts que l’on pense s’y noyer, les bateaux qui se brisent et les hommes perdus en mer, avec la force de frères d’armes ou d’âmes
chaque bonheur ou malheur les éprouvent ,creusent leurs rides et approfondi leur regard, mais tend ce lien invisible entre tous ces êtres si différents, c'est d'ailleurs, en ces circonstances que certains deviennent des "étrangers" par manque de fraternité ,comme une mauvaise branche quitte l'arbre qui la portait
face au caboulot, amarré a un pieu ,il y a un bateau ,ce n’est pas un chalutier ,ni une baleinière ,tout de bois, rompu aux océans ,une proue battue par tous les vents et les déferlantes ,vieux comme le port, mais a flots
on dit qu’il a été plusieurs fois en Amérique qu’il a vécu bien des tempêtes ,qu’il a connu la caraïbe ,l’océan indien, et la mer de chine ,on dit qu’il a ramené dans ses cales bien des trésors, mais aussi des naufragés
a dire vrai, chacun semble l’avoir toujours vu naviguer et toujours revenir a quai, il n'est pas simple à naviguer et fait souffrir les corps et les cœurs tant il appelle de l'exigence et de l'engagement
embarquer a son bord tient du plaisir ,de la gageure et de l'inconscience
quand il prend la mer ,c’est forcément une aventure qui s’annonce et chacun de fourbir ses outils ,ses lignes ,ses dragues ,ses palangres ,ses chaluts ,ses bouts ,chacun a son poste pour une destination inconnue ,les jours qui précédent la nervosité est perceptible ,sur le quai, les pas se pressent et parfois, le ton se fait plus haut
a côté du navire, d’autres carcasses ont perdu leur combat contre la mer ,elle a fini par triompher et envahir les cales, ronger la viande autour de l’os, reste leur squelette reposant sur la vase et tendant les os noircis et grêlés de coquillages vers le ciel
étrange spectacle que ce bateau entouré d’épaves, survivant dans ce cimetière marin et pourtant il flotte sur l’eau de l’ancrage ,comme l’idée que cet endroit ne serait pas tout a fait le même sans cette coque usée qui ,sans cesse, s’arme pour de nouvelles campagnes
au bistrot ,chacune de ces expéditions nourrit les souvenirs et les conversations, ces marins de l’impossible ,aguerris au pire et vainqueurs des échouages
en fait, assis sous le soleil frileux ;ils regardent ,son étrange silhouette ballotée par le clapot ,le pont poli par les pas, aux planches où l’aubier a été grignoté par le temps ,combien de temps encore pourront ils embarquer ? quelle nouvelle destination a faire trembler de plaisir ? résistera t il aux futurs fracas ?
mais surtout qu'est-ce qui les fait franchir la passerelle et s'embarquer plutôt que de rester dans le cocon douillet de leurs maisons lovées sur la roche ?
ne me demandez pas les coordonnées gps de ce lieu particulier ,il est de ces pépites
qu'un rien , un je ne sais quoi pourrait briser et l transformer en fable pour enfants ou pour naïfs ,que cela reste une terre de légendes pour certains ,peu importe pourvu que pour d'autres leur foi en l'homme soit préservée