en préalable,je suis toujours curieux de comprendre ce qui conduit ,ce qui provoque ,ce qui déclenche le fait que des gens que l'on a pas vu depuis ,parfois, très longtemps aient tout a coup le désir de vous voir ou de vous téléphoner,pour moi cela révèle des periodes qui doivent être forcément positives et où il doit émaner quelque chose de vous,cela arrive rarement quand on est au fond du trou
si je vous écris cela ,c'est que ce phénomène s'est reproduit deux fois en deux jours et que cela m'intrigue comme c'est le dernier jour de l'année,je voulais vous parler de ces lumières ainsi surgies du passé ,mais du coup ,sans m'étendre il me faut parler de mon passé
très loin de la nostalgie,c'est revendiquer ses racines ,ses origines,son histoire car cela vous a forgé,construit,porté
j'ai eu une jeunesse particulière,des parents qui nous aimaient avec une vision hors de l'ordinaire de l'éducation,ainsi dès l'age de 8 ans pour des raisons de commodité,nous n'habitions plus directement chez nos parents mes frères et moi ,et des cet age ,j'ai décidé,j'ai géré mes heures de coucher,mes choix vestimentaires etc...
des l'age de 14 ans ,j'ai habité seul dans un logis confortable et spacieux a paris,avec tous les pieges et les dangers que cela peut comporter pour un adolescent et avec, pour formidable rempart mon éducation et l'idée qu'il y avait des choses que je ne pouvais pas faire a mes parents et porter atteinte a la confiance qu'ils m'accordaient
entre les grosses bêtises et les petites ,il est resté le champ exploratoire assez vaste que ma conscience m'a autorisé
vivre libre a 14 ans a paris dans les années 70 ,c'est je crois acquérir une réelle autonomie,avoir un appartement qui ne désemplit pas et croiser bien des personnalités,
j'en profite,por lancer un appel j'ai longtemps recherché un type incroyable ,artiste ,dessinateur,écrivain qui m'avait dessinné un mur de ma chambre ,il s'appelait louis beriel ou bleriel ,sans doute comme cette génération une addiction l'a t elle emportée car je ne peux pas croire qu'il soit devenu controleur aux ptt
ma scolarité cahotique s'est déroulée sous le concept des "libres enfants de summerhill",une expérience qui a faconné ma manière de penser et d'aborder la vie,a 16 ans j'étais au mexique en vadrouille
a peine 16 ans et,j'étais convoqué aux épreuves du bac étant un peu précoce mais comme je n'aime pas les convocations ,je ne m'y présentais pas
après un été ou j'ai baroudé un mois et demi dans le sud du maroc conduisant sans permis des véhicules (improbables) je suis allé voir mes parents pour leur expliquer que si je voulais serieusement passer ce bac ,il serait plus raisonnable de m'exiler en pension ,la vie parisienne étant incompatible avec toute tentative de concentration scolaire
parents attérrés ,qui immédiatement,étant aisés, m'ont proposé une pension près de deauville avec équitation et équipements de qualités,je me suis vu entouré de ces jeunes prétentieux ,imbus de leur milieu,de val d'isere ,de saint barth ou saint tropez dans un concours a l'apparence insupportable,la pension oui ,l'enfer non !
j'ai donc proposé a mes parents une pension dans un lycée public de tourcoing ,une sorte de pépite sortie du début du siécle,comme cela n'existait déja plus.......sauf a se passer en boucle les choristes
c'est ainsi que j'ai vécu "bienvenue chez les chtis" dans sa plénitude et sa véracité
il faut imaginer ,j'étais une sorte d'ovni arrivant buriné du soleil d'afrique du nord,totalement autonome et plutot libre penseur,acceuilli par un proviseur ,les yeux écarquillés a qui je demandais où devais je aller payer ma pension ,où j'envoyais des fleurs a l'infirmière a chaque fois que la neccessité la conduisait a me prodiguer des soins,une sorte de "truc" forcément insupportable et certainement un peu odieux
les premières semaines,j'arrivais le dimanche soir aux alentours de 21 heures a la gare de tourcoing sans caricaturer ,c'était glauque ,
il y avait un hotel borgne face a la gare avec une enseigne verte clignotante,je m'étais promis d'y dormir un jour pour tenter l'expérience ,je ne l'ai jamais fait ,
j'allais a pied jusqu'au lycée,les pavés étaient humides et luisants ,c'était sombre,c'était encore l'époque où tourcoing ne s'était pas remise de la fermeture des usines
je frappais a la porte du lycée ,la concierge m'ouvrait comme on ouvre a un detenu en permission et je parcourais les immenses couloirs vides du lycée pour rejoindre le dortoir car j'étais le seul pensionnaire a arriver le dimanche
le dortoir : 40 lits dans une immense salle ,un lit central pour le surveillant ,dans le couloir contigu ,un alignement de lavabos ,plus loin les douches communes,a des années lumières du confort douillet parisien ,mais vécue comme une aventure,une expérience ,un autre monde
hier mon téléphone a sonné ,c'était olivier soulier,un de ces nordistes qui m'a acceuilli avec cet esprit du nord,sans emphase,simplement,il m'a dit de ne plus rentrer dormir au lycée que sa famille me souhaitait la bienvenue,c'est ainisi que je suis allé dormir le dimanche soir a roubaix dans cette famille magnifique dont le père était dentiste
en quelques jours ,ce sont mes compagnons de chambrée qui sont devenus des amis,thierry lelaurin qui grattait sa guitare et tombait les filles en chantant angie,
rafael et manuel les deux espagnols avec qui nous avions plus que des atomes crochus ,d'autres que ma memoire a oublié les prenoms mais dont je conserve les visages,catherine desreux ma petite fiancée du nord, sur les plages d'oostduinkerque,anne debock, grande famille nordiste qui se compromettait avec nous
le petit bar près du lycée,j'allais m'échapper, pour écouter sydney bechet "petite fleur ", en buvant une biere et en mangeant un jambon beurre
ce café où nous étions promis de nous retrouver dix ans plus tard et je fis le voyage a cette date anniversaire,mais je n'y retrouvais que la première gorgée de bière
c'est en pension que le jeune fils de bourgeois que j'étais a appris a étaler le beurre sur la tartine,histoire de ne pas en gacher un gramme
alors forcément quand olivier m'a appelé hier, car il venait de se retrouver face a face a antibes avec thierry,les souvenirs remontent
olivier est devenu un grand medecin homéopathe il m'a avoué que c'était mon propre désir de faire médecine qui l'avait influencé dans cette voie,raphael est tres mal suite a un accident, manu vit a barcelone,il n'a pas fait la révolution dont il nous parlait, ni posé aucune bombe,catherine doit être grand mére
thierry lelaurin le lillois vit 8 mois par an a antibes semble t il ,un appel ,un sms avec leurs gueules qui ont pris 45 ans !
c'est un poncif que de dire que les regards ne changent jamais
si je vous raconte cela, c'est pour exprimer ma tendresse pour ces gens là ,ce n'est pas une posture que dans ce nord ,il y a une formidable chaleur humaine,les ritals ,les polaks,tout ce creuset d'émigrés laborieux, où que l'on aille pour peu qu'on ait le coeur tendu ,il y a des pépites humaines a récolter
lille c'est magnifique ,il n'y a pas que le carlton !,la chicorée ,la place, sa librairie comme une immense patisserie,j'ai le souvenir de mes amis parisiens ahuris de cet exil ,sans comprendre que j'y faisais mes humanités
alors je dois remercier les "grandes gueules" de rmc qui font que ces amis perdus m'entendent et que nous nous retrouvons
il y a quelque bonheur a se sentir petit poucet et a mesurer que ces petits cailloux que l'on a semé sur le chemin de la vie ont été conservés avec un souvenir tendre ,amical ,joyeux par ceux que l'on a croisé ,j'ai la profonde sensation que cela nous porte